François Poulain de la Barre (1647-1723)

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Tout ce qui a été écrit par les hommes sur les femmes doit être suspect, car ils sont à la fois juge et partie.

Citation reprise par Simone de Beauvoir en exergue du premier tome du Deuxième Sexe

Philosophe cartésien, précurseur de la Révolution française et pionnier confidentiel du féminisme, François Poulain (ou Poullain) de la Barre est redécouvert en 1902 par l’historien Henri Piéron, qui trouve deux de ses ouvrages à la Bibliothèque Nationale, l’un n’ayant jamais été ouvert, et l’autre l’ayant été trois fois.

Poulain de le Barre est à l’origine de trois traités concernant la question des femmes, qui furent plutôt bien accueillis puisque réédités de son vivant – et traduits -, mais, surtout, source de discussions face à une opinion à la fois curieuse et guère prête :

Il apparaît ainsi comme un fervent détracteur des anti-féministes, mais également des partisan·es d’un féminisme mondain et frivole tel qu’il a pu exister dans les cercles littéraires et intellectuels du XVIIè siècle français. Par ailleurs, son œuvre démontre qu’à l’époque, il ne s’agissait pas tant de réfléchir au statut des femmes d’un point de vue politique et social, mais bien philosophique et théologique.

Le « cartésianisme social »

Poulain de la Barre se fait l’ennemi des préjugés et de la loi naturelle, asseyant sa réflexion sur deux principes fondamentaux. Il en appelle d’abord à l’argument égalitaire d’une faculté de raisonner commune à l’ensemble des êtres humains en raison de leur nature, sans différence de sexe ou de genre – « l’Esprit n’a point de Sexe » ; qui plus est, il n’admet comme différence entre les femmes et les hommes que leurs rôles respectifs dans la procréation, récusant toute différence de fonctionnement cérébral, notamment.

Plus précisément, usant de la méthode cartésienne du doute et faisant appel à la raison – quoique son raisonnement soit parfois teinté de sophismes, ce qui le rend pour le moins cocasse -, il entent rejeter l’ensemble des idées préconçues – accusant les convenances d’êtres des raisons imaginaires – concernant les femmes et leur supposée infériorité, perçue comme le préjugé le plus ancien, et poursuit la réflexion en l’appliquant à la race et au rang social. Il met également en lumière la faute des jurisconsultes pensant que la supériorité de l’homme est naturelle plutôt qu’un produit de l’habitude et du conditionnement social.

À ses arguments rationnels s’ajoute une demande concrète pour l’égalité des droits, alors qu’il déplore le contexte légal dans lequel l’époque s’inscrivait, soit la dépendance et la servitude, qui contrevient aux principes d’égalité naturelle entre les êtres humains. Sa requête principale concerne l’éducation et l’accès à la connaissance, faisant écho aux propos de Christine de Pizan dans son Livre de la Cité des Dames (1405), et préfigurant l’un des principaux combats du XIXè siècle.


Henri Grappin. 1913. « Notes sur un féministe oublié: le cartésien Poullain de La Barre ». Revue d’Histoire littéraire de la France 20 (n°4) : 852-867. 

Martina Reuter. 2019. « François Poulain de la Barre ». The Stanford Encyclopedia of Philosophy.

Michael A. Seidel. 1974. « Poulain De La Barre’s The Woman as Good as the Man ». Journal of the History of Ideas 35 (n°3) : 499-508.

Siep Stuurman. 1998. « L’égalité des sexes qui ne se conteste plus en France: feminism in the seventeenth century ». Dans Tjitske Akkerman et Siep Stuurman (dir.), Perspectives on Feminist Political Thought in European History From the Middle Ages to the Present. New York/London : Routledge : 67-84.

© Crédit image : Lapham’s Quarterly

Une réflexion sur “François Poulain de la Barre (1647-1723)

  1. Clair et concis.
    Je ne connaissais de François Poulain de la Barre, que son nom…cité à l’occasion de lecture sur les salons littéraires. Merci pour cet éclairage qui me donne envie d’en savoir plus sur cet homme.

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