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En 1968, Robert K. Merton théorise « l’effet Matthieu », selon lequel on attribue certains travaux à des scientifiques célèbres alors même qu’ils n’en sont pas nécessairement ou pas exclusivement à l’origine. Le nom de cet effet est tiré d’un verset de l‘Évangile selon Saint Matthieu : « Car à celui qui a il sera donné, et il sera dans la surabondance ; mais à celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera retiré ».
En 1993, Margaret W. Rossiter publie l’article « The Matthew Matilda Effect in Science » – il sera traduit en français en 2003, par Irène Jami. L’historienne des sciences remarque en effet que cet effet s’applique particulièrement aux femmes, et encore plus aux femmes mariées. Elle note que cela peut être délibéré ou stratégique (si le travail est signé par un homme, il aura immédiatement plus de légitimité par exemple), ou alors simplement conforme aux stéréotypes traditionnels. Elle en fournit plusieurs exemples : Mileva Marić, la première femme d’Albert Einstein, Hertha et W. E Ayrton, Gerty et Carl Cori, Ruth et George Wald, ou encore Isabella et Jerome Karle.
Rossiter a réfléchi à plusieurs noms pour baptiser cet effet :
- noms tirés de l’histoire des sciences
- effet Lise : Lise Meitner a découvert la fission nucléaire avec Otto Hahn mais, contrairement à lui, n’a pas été nominée pour le prix Nobel
- effet Harriet : Harriet Zuckerman était la collaboratrice de Robert K. Merton mais n’était pas reconnue comme telle
- noms tirés de la Bible, à l’instar de Matthieu
- effet Priscilla/Prisca : l’une des assistantes de Matthieu dans la rédaction des Écritures
- effet Marthe : sœur de Marie, réduite à son travail domestique
- noms tirés de l’histoire politique
- effet Matilda : Matilda Joslyn Gage, féministe abolitionniste états-unienne du XIXe siècle, en faveur du droit de vote des femmes et très critique de la religion chrétienne (elle a notamment participé à la rédaction de la Woman’s Bible avec Elizabeth Cady Stanton) ; elle a écrit, en 1883, un essai intitulé « Woman As An Inventor », dans lequel elle cite de nombreux exemples de la manière dont les femmes inventrices ont été historiquement invisibilisées
Les exemples sont nombreux, du Moyen-Âge jusqu’au XXème siècle. Et il est probable que nous n’ayons pas encore tout défriché.
Pour en savoir plus
- « L’effet Matilda, origine et définition » – Ada Tech School
- « L’effet Matilda, ou les découvertes oubliées des femmes scientifiques » – Pierre Ropert
- « Les découvertes oubliées des femmes scientifiques, ou l’effet Matilda » – France Culture
Margaret W. Rossiter. 1993. « The Matthew Matilda Effect in Science ». Social Studies of Science 23 : 325-341.
© Crédit photo : Matilda Joslyn Gage / Wikipedia / domaine public