Olympe de Gouges (1748-1793)

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Rappelez-vous cette virago, cette femme-homme, I’impudente Olympe de Gouges, qui abandonna les soins de son ménage, voulut politiquer et commit des crimes… Cet oubli de son sexe l’a conduite à l’échafaud.

Pierre Chaumette, 1793

Lorsqu’ils ne l’oubliaient pas – volontairement? -, les historiens ont souvent voulu faire d’Olympe de Gouges une créature furieuse, hystérique, démente, ayant trahi sa « féminité » – c’est-à-dire sa douceur et sa passivité. En réalité, il s’agit d’une théoricienne doublée d’une activiste dont la profondeur et le courage n’ont d’égal que la pertinence. On retient principalement d’elle sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791) et le fait qu’elle a été guillotinée; mais, bien évidemment, ce n’est pas tout.

Pour le moins prolifique, elle a rédigé plusieurs essais, brochures, pièces de théâtre, romans, et ses revendications portaient alors principalement sur :

  • l’égalité des droits, notamment par le suffrage universel et la possibilité de participer activement à la vie politique;
  • la liberté d’opinion et d’expression;
  • l’accès au divorce – elle s’opposait radicalement au mariage tel qu’il était établi, et notamment aux mariages forcés;
  • l’importance de la solidarité et de l’unité entre les femmes.

Certaines de ses idées étaient résolument modernes, peut-être même dangereusement avant-gardistes. Elle était effectivement en faveur de la féminisation des noms de professions, de la protection sociale des femmes marginalisées, qu’elles soient travailleuses du sexe ou mères isolées, ou encore de la taxation du « luxe effréné ».

D’aucuns estiment toutefois que son œuvre pose des défis interprétatifs. L’une des hypothèses est que l’excessive spontanéité qu’on y trouve, alliée à certaines incohérences, dénote une fervente volonté de se faire entendre – et, de fait, les difficultés qu’elle a pu rencontrer.

Qui plus est, on ne saurait oublier ses prises de positions abolitionnistes, notamment dans ses Réflexions sur les hommes nègres (sic), publiées après que la Comédie Française lui avait demandé de changer, dans Zamora et Mirza, les personnages même des esclaves Noirs. Ses Réflexions témoignent de sa profonde conviction de l’égalité naturelle des êtres humains et de l’absence fondamentale de justification de l’oppression, qui n’existe selon elle que pour l’intérêt et l’avarice des hommes blancs.

D’autres figures importantes au tournant du XIXè siècle :

  • Félicité de Kéralio (1758-1821)
  • Anne-Joseph Terwagne devenue Théroigne de Méricourt et surnommée l’Amazone Rouge ou la furie de Gironde (1762-1817)
  • Sophie de Grouchy, marquise de Condorcet (1764-1822)
  • Claire Lacombe (1765-1798)
  • Pauline Léon (1768-1838)

Bibliothèque nationale de France. 2019. « Pionnières ! – Olympe de Gouges ». En ligne.

Jean-Louis Debré et Valérie Bochenek. 2013. Ces femmes qui ont réveillé la France. Fayard.

Marie Josephine Diamond. 1990. « Olympe de Gouges and the French Revolution : the construction of gender as critique ». Dialectical Anthropology 15 (2/3) : 95-105.

Pierre Sané. 2008. « À contre-courant ». Le Monde Diplomatique. En ligne.

Crédit image © Élodie Bouédec

Histoire du féminisme (1/5) : présentation générale

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Les prises de position en faveur de la valorisation de la place des femmes dans la société sont présentes dans la littérature depuis la Grèce Antique (Sappho). Puis, on en retrouve tant au Moyen-Âge (Hildegard von Bingen, Christine de Pisan) qu’à la Renaissance (Louise Labé, Marie de Gournay, Mary Ward, Mary Astell). L’histoire en a retenu des textes individuels, ne reflétant guère un élan commun ou un mouvement conscient de sa propre existence. Cependant, il serait erroné de croire que les autrices portaient involontairement, ou par hasard, des messages d’émancipation – en témoignent les querelles ayant opposé, tout au long de l’histoire, les pro et les anti évolution du statut des femmes. C’est pourquoi l’on tend à prendre le siècle des Lumières et des Révolutions comme point de départ du féminisme. Il semblait à l’époque assez univoque, puisqu’intimement lié à la montée du libéralisme et teinté d’individualisme.

Généralement associée à Martha Weinman Lear et à son article « The Second Feminist Wave » paru en 1968 dans le New York Times Magazine, l’expression métaphorique vagues du féminisme remonterait plutôt à 1920 (selon Elizabeth Sarah, dans son ouvrage Reassessments of First Wave Feminism paru en 1983). L’on en identifie aujourd’hui quatre, mais il demeure difficile d’en déterminer clairement les bornes chronologiques. Le plus souvent, elles sont délimitées ainsi :

  1. de la fin du XVIIIe siècle à la Seconde Guerre mondiale
  2. des années 1950 aux années 1990
  3. des années 1990 aux années 2010
  4. depuis 2010

Les deux théoriciennes principales considérées comme les précurseuses de la première vague du féminisme sont Olympe de Gouges, en France, et Mary Wollstronecraft, en Angleterre. Aux États-Unis, Abigail Adams, conseillère et épouse de John Adams, a également été une figure extrêmement influente de son époque. Elle promouvait la nécessité d’une juste représentation des femmes dans les processus législatifs et l’accès égal à l’éducation, tentant ainsi de sensibiliser son mari, notamment lors de la rédaction de la Déclaration d’Indépendance. Son legs se trouve cependant principalement dans des lettres privées publiées à titre posthume, et non dans des écrits volontairement rendus publics, à l’instar des deux militantes européennes.

Ces figures appartiennent à une histoire hégémonique, qui laisse peu de place aux femmes non blanches, ouvrières, paysannes, ou encore esclaves, qui ont tout autant porté des revendications que l’on nommerait aujourd’hui féministes.


Antonio González Alcaraz. 1987. « Le débat féministe à la renaissance ». Estudios románicos 4 : 453-460.

Béatrice Alonso et Éliane Viennot. 2004. Louise Labé 2005. Saint-Étienne : PUSE, coll. « l’école du genre ».

Cathia Jenainati et Judy Groves. 2010. Introducing Feminism: A Graphic Guide. London : Icon Books Ltd.

Divina Frau-Meigs. 2018. « Les armes numériques de la nouvelle vague féministe ». The Conversation. En ligne.

Martha Rampton. 2019. « Four Waves of Feminism ». Pacific University.

René Doumic. 1898. « Revue littéraire : Le féminisme au temps de la Renaissance ». Revue des Deux Mondes 149 (4) : 921-932.

Sarah Gamble. 2006. The Routledge Companion to Feminism and Postfeminism. Taylor & Francis e-Library.