L’éthique du care

Temps de lecture : 3 minutes


Le care selon Carol Gilligan

En 1977, Carol Gilligan, psychologue et philosophe féministe états-unienne, publie un article scientifique intitulé « In a different voice: Women’s conceptions of the self and of morality ». La prémisse est simple : les grandes théories morales ne peuvent pas rendre compte des décisions des femmes puisque leurs histoires et leurs parcours n’ont eux-mêmes pas été pris en compte dans les théorisations. En 1982, elle en fait un ouvrage, devenu fondateur : In a different voice. Elle démontre ainsi que les femmes et les hommes n’ont pas les mêmes critères de décisions morales. Les hommes auraient tendance à « privilégie[r] une logique de calcul et la référence aux droits » alors que les femmes « préfèr[eraient] la valeur de la relation, s’orientant d’après ce qui peut conforter les relations interpersonnelles, développer les interactions sociales » (Zielinski 2010, 632). Elle met ainsi de l’avant l’intersection entre la culture et la psychologie, la manière dont les choix moraux peuvent altérer les relations sociales et les schémas de résistance (aux cadres sociaux patriarcaux) mis en place par les femmes (Gilligan 2018, 29). De là nait un nouveau paradigme : l’éthique du care, ancrée dans la « capacité à prendre soin d’autrui » et le « souci prioritaire des rapports avec autrui » (Gilligan 1982, 37).

Le care selon Joan Tronto

Joan Tronto, philosophe féministe états-unienne, est une autre théoricienne incontournable du care. En collaboration avec Fischer, elle le définissent ainsi : « Activité caractéristique de l’espèce humaine, qui recouvre tout ce que nous faisons dans le but de maintenir, de perpétuer et de réparer notre monde, afin que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nos personnes et notre environnement, tout ce que nous cherchons à relier en un réseau complexe en soutien à la vie » (1991, 40).

Par la suite, Tronto développe quatre phases du care, inscrivant ainsi la théorie dans la pratique. Ces phases sont particulièrement bien résumées et explicitées par Agata Zielinski (2010, 633-636):

  • le fait de se soucier de : « constater l’existence d’un besoin, reconnaître la nécessité d’y répondre, et évaluer la possibilité d’y apporter une réponse »
  • le fait de prendre en charge : « assumer une responsabilité par rapport à ce qui a été constaté, c’est-à-dire agir en vue de répondre au besoin identifié »
  • le fait de prendre soin : « rencontre directe d’autrui à travers son besoin, l’activité dans sa dimension de contact avec les personnes »
  • le fait de recevoir le soin : « reconnaître la manière dont celui qui le reçoit réagit au soin »

Autres figures incontournables

  • Eva Feder Kittay (États-Unis)
  • Evelyn Nakano-Glenn (États-Unis)
  • Martha Nussbaum (États-Unis)
  • Michael Slote (États-Unis)
  • Serge Guérin (France)
  • Sandra Laugier (France)
  • Pascale Molinier (France)
  • Patricia Paperman (France)

Pour en savoir plus


Agata Zielinski. 2010. « L’éthique du care. Une nouvelle façon de prendre soin ». Études 413 (n°12) : 631-641.

Carol Gilligan. 1982. In a different voice. Cambridge : Harvard University Press.

Carol Gilligan. 2018. « Revisiting In a Different Voice« . LEARNing Landscapes 11 (n°2) : 25-30.

Le travail du sexe dans les courants féministes

Temps de lecture : 3 minutes


Il existe trois positions principales à l’égard du travail du sexe : l’abolitionnisme, la décriminalisation et la légalisation. Ces positions sont à l’origine de débats virulents au sein de la communauté féministe. Car, si la décriminalisation est l’option privilégiée par les personnes concernées, elle ne fait nullement l’unanimité. Je vous propose d’abord de revenir sur ce qui se cache derrière chacune de ces approches.

D’un point de vue féministe, il existe deux lectures du contrôle patriarcal des corps et de la sexualité, qui se traduisent par deux positions divergentes face au travail du sexe. Ce faisant, certaines féministes prônent l’abolition de tout commerce du sexe pour que les femmes ne soient plus perçues comme des objets sexuels à disposition des hommes, alors que d’autres estiment que la libération des corps passe par la possibilité de vivre sa sexualité en dehors du cadre conjugal, même s’il doit être question de l’échanger contre de l’argent (Comte 2014).

Féministes abolitionnistes (généralement issues du féminisme radical)

  • Janice Raymond
  • Kathleen Barry
  • Andrea Dworkin
  • Catharine Alice MacKinnon

Féministes pro-sexe

  • Margo St. James 
  • Patrick Califia
  • Drucilla Cornell
  • Virginie Despentes
  • Paul B. Preciado

Pour en savoir plus

Le féminisme d’État

Temps de lecture : 2 minutes


Le féminisme d’État est un concept analytique développé dans les années 1980 par Ruth Nielsen avant d’être repris, quelques années plus tard, par Helga Hernes (à qui on l’associe traditionnellement). Il s’agissait dans un premier temps d’une notion juridique visant à rendre compte de la production de textes de lois dédiés à l’égalité entre les femmes et les hommes, avant qu’il ne serve à mettre en lumière, de manière plus globale, le nouveau répertoire d’action de l’État consacré à la réduction des inégalités de genre. Plusieurs concepts en ont alors découlé, notamment celui de fémocrates et de women’s policy machineries/women’s policy agencies.

  • Le concept de fémocrates a été développé principalement en Australie dans les années 1990, référant à la fois aux bureaucrates féministes œuvrant au sein de l’État mais également aux bureaucrates œuvrant au sein des institutions étatiques dédiées à l’égalité entre les genres. Les principaux travaux sont ceux d’Hester Eisenstein (1989), Suzanne Franzway, R. W. Connell et Dianne Court (1989), ou encore d’Anna Yeatman (1990).
  • Les women’s policy agencies regroupent quant à elles les structures intra-étatiques de promotion de l’égalité, à savoir autant les ministères que les commissions ou tout autre relais institutionnel. Amy G. Mazur et Dorothy McBride sont à l’origine de la plupart des travaux à ce sujet, notamment grâce à leur initiative transnationale, le Research Network on Gender, Politics, and the State.

Amy G. Mazur et Dorothy E McBride. 2007. « State Feminism since the 1980s: From Loose Notion to Operationalized Concept ». Politics & Gender 3 (n°4) : 501-13.

Anne Revillard. 2016. La cause des femmes dans l’État. Libres cours Politique. Presses universitaires de Grenoble.

Sandrine Dauphin. 2010. L’État et les droits des femmes: des institutions au service de l’égalité ? Archives du féminisme. Presses universitaires de Rennes.


Cet article est en partie issu d’un travail effectué dans le cadre du cours POL6020 recherche qualitative en science politique et remis le 8 mars 2021.