Les configurations relationnelles

Temps de lecture : 3 minutes


Il est important de noter que les sociétés occidentales sont profondément mononormatives, c’est-à-dire qu’elles sont ancrées dans le présupposé selon lequel tout le monde est monogame – or, la monogamie n’a rien de naturel -, présupposé sous-tendant qu’une relation non monogame est inférieure, voire déviante.

Présenté brièvement, nous pourrions dire que, jusqu’au Moyen-Âge, l’union conjugale est motivée par les intérêts politiques et économiques, puis la dimension du bien-être s’instille progressivement dans le rapport au couple entre les XVe et XVIIIe siècles. Le développement de la sphère affective devient par la suite partie intégrante de la réalisation personnelle.

Depuis les années 1950, la croissance de l’individualisme et la libéralisation progressive des valeurs – grâce, entres autres, aux luttes féministes avec notamment l’accès au divorce et la libération sexuelle -, ont permis d’interroger le schéma relationnel traditionnel, soit le couple hétérosexuel monogame, et de s’en distancier, quoique sa puissance symbolique demeure très prégnante. Car, il est encore d’usage, dans les sociétés occidentales, d’envisager le couple monogame comme un élément clé de la réussite personnelle, généralement idéalisé et opposé de manière binaire au célibat, souvent dénigré. Qui plus est, là où le célibat peut être perçu comme un échec et témoigner de mauvaises dispositions personnelles, les relations sexuelles dans un contexte non conjugal sont également associées à une moindre estime de soi, un rapport négatif à son corps, voire des tendances dépressives. Certaines études vont effectivement dans ce sens, d’autres, en revanche, dont les méta-analyse croisant les résultats d’une pluralité de recherches, infirment ces tendances et estiment que toutes les variables nécessaires à la compréhension en profondeur de cette problématique ne sont pas prises en compte.

Que les configurations relationnelles soient conjugales ou non (que les partenaires se définissent comme formant un couple ou non), il existe peu de consensus sur les définitions à en donner, d’autant plus que les études portent généralement sur des territoires circonscrits et des populations précises, ajoutant ainsi une dimension linguistique ou traductologique à la problématique. Nous retiendrons ici, pour les configurations non conjugales, les définitions telles que proposées par le projet canadien ÉPRIS, traduites et étudiées en profondeur par Rodrigue, et, pour les relations conjugales, les définitions de Crooks et Baur, traduites par Henry et Munger.

Les configurations relationnelles non conjugales

  1. La relation sexuelle à occurence unique : contrairement à la croyance commune, les partenaires se connaissent la grande majorité du temps
  2. Le partenariat centré sur la sexualité : les contacts sexuels dominent, les interactions amicales et activités sociales sont très rares
  3. Le partenariat centré sur l’amitié : la relation amicale est préexistante à l’ajout d’une composante sexuelle, et les interactions amicales dominent
  4. Les ex-partenaires de couples qui continuent d’entretenir des contacts sexuels
  5. Le partenariat intime et sexuel : activités sexuelles et sociales régulières, mais sans engagement ou projet de couple

Les configurations relationnelles conjugales

  1. La monogamie : si la véritable monogamie implique l’unicité à vie du/de la partenaire de couple, la monogamie sérielle est le modèle le plus adopté dans nos sociétés ; il s’agit de la succession (de deux à un nombre illimité) de partenaires non simultané·es, avec lesquel·les l’entente repose sur l’exclusivité sexuelle et émotionnelle – le concept d’infidélité est sous-jacent à cette entente, puisqu’une relation extraconjugale est, de fait, non consensuelle
  2. Le couple ouvert : adoption par les deux partenaires d’une entente de monogamie élargie, où sont intégrées certaines relations extraconjugales selon des règles propres à chaque couple (ces relations demeurent toutefois nécessairement secondaires)
  3. L’échangisme : situation où deux partenaires entretiennent des relations extraconjugales ensemble et simultanément, généralement avec d’autres couples
  4. Le polyamour : manière de concevoir et vivre les relations amoureuses ou sexuelles, marquée par l’engagement multiple et consensuel des partenaires, selon des ententes propres à chaque cellule primaire, toujours dans le respect, la confiance, et l’éthique
  5. La polygamie : union légale entre un être humain et plusieur·es conjoint·es du sexe opposé (généralement déséquilibrée en défaveur dudit sexe opposé)
    • polyandrie : union légale d’un homme avec plusieurs femmes (forme de polygamie la plus courante)
    • polygynie : union légale d’une femme avec plusieurs hommes (forme de polygamie la plus rare, principalement présente dans les sociétés matriarcales, elles-mêmes très rares)

Carl Rodrigue. 2014. La structure des configurations relationnelles non conjugales chez des célibataires de 18 à 30 ans : une approche par profils latents. Mémoire présenté comme exigence partielle à la Maîtrise en sexologie. Université du Québec à Montréal.

Jerel P. Calzo. 2013. « Hookup Sex Versus Romantic Relationship Sex in College: Why DoWe Care and What Do We Do? ». Journal of Adolescent Health 52 : 515-516.

Lucie Roy. 2014. Le couple contemporain : l’« idéal égotique » comme réalisation de soi – Analyse socilogique du discours de psychologie populaire. Thèse présentée comme exigence partielle au Doctorat en sociologie. Université du Québec à Montréal.

Melina M. Bersamin, Byron L. Zamboanga, Seth J. Schwartz, M. Brent Donnellan, Monika Hudson, Robert S. Weisskirch, Su Yeong Kim, V. Bede Agocha, Susan Krauss Whitbourne et S. Jean Caraway. « Risky Business: Is There an Association between Casual Sex and Mental Health among Emerging Adults? ». The Journal of Sex Research 51 (n°1) : 43-51.

Michelle Bergeron. 2017. « Chronique : l’amour avec un grand P ». Les 3 Sex. En ligne.

Robert L. Crooks et Karla Baur. 2017. Nos sexualités : 3è édition. Montréal : Modulo.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s