Boîte à outils n°4 | Le langage inclusif

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Une langue est dite vivante parce qu’elle évolue. Si l’on craint souvent les réformes orthographiques et syntaxiques, perçues comme une atteinte à la qualité de la langue, l’on ne saurait oublier que toute évolution linguistique tend vers la simplification, et ce depuis toujours – nous ne parlerions pas français si ce n’était pas le cas. Sans compter que la contamination d’une langue par d’autres est une richesse faisant également partie – ayant toujours fait partie – de cette vivacité linguistique.


Langue genrée et binaire, le français a historiquement et politiquement été dé-féminisé par l’Académie française, depuis le début du XVIIè siècle. Et, contrairement à ce qu’a pu ancrer un apprentissage scolaire redondant et erroné, le masculin n’est pas neutre, et le neutre n’est pas masculin

L’un des choix phares de l’Académie française a été d’accorder la prévalence au masculin ; car, jusqu’alors, bien que la syntaxe, la grammaire ou l’orthographe ne fussent guère fixées, la règle de proximité était en vigueur pour les accords en genre et en nombre (même Vaugelas, fervent défenseur de l’euphonie, se positionnait en faveur de cette règle !). Ainsi, on ne disait pas un homme et un million de femmes sont gentils, comme aujourd’hui, mais plutôt un homme et un million de femmes sont gentilles. Cette règle est parfois mise en cause pour sa complexité, cependant, au regard de toutes les règles incongrues de la langue française, cette justification fait figure d’excuse de principe. Ceci étant, la règle de la prévalence aujourd’hui utilisée a été expliquée, tout simplement, par la caractère plus noble du genre masculin, lui-même lié à « la supériorité du mâle sur la femelle » (voir Dupleix et Beauzée). 

Qui plus est, alors que les noms de professions coexistaient au masculin et au féminin jusqu’à la Renaissance, n’empêchant guère de parler français, l’emploi du masculin l’a également emporté sur le féminin, et il faudra attendre les années 1980 (Québec, Suisse) voire 1990 (Belgique, France) pour que des interrogations sur l’usage commencent à poindre et influencer les législations. Il est souvent question de déficit lexical ou de lacune du langage pour expliquer l’absence du féminin, or, ces mots ont existé, et il est impératif de les faire revivre. Pour en savoir plus.

  1. L’écriture inclusive et l’utilisation du point médian : intégrer les femmes au discours

L’écriture inclusive a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années et plusieurs guides fournissent des conseils clés pour parvenir à l’utiliser facilement.

En octobre 2020, Tristan Bartolini, étudiant de la Haute école d’Arts appliqués de Genève a créé une police d’écriture inclusive absolument fascinante, décrochant le Prix du jury dans le cadre de la 6ème édition du Prix Art Humanité. Pour en savoir plus !

  1. Le langage épicène : redéfinir la neutralité de genre dans le discours

Un adjectif épicène est un adjectif non fléchi en genre, que l’on n’accorde pas, en somme, tel que jaune, rouge, apte, respectable, magnifique, etc. De cette typicité grammaticale est issu un langage non sexiste, valorisant l’emploi de termes dont la forme est la même au masculin et au féminin.

  1. Les néopronoms et les ajustements orthographiques : intégrer la non binarité au langage

Les communautés queers font preuve d’une créativité fascinante et participent de l’évolution constante de la langue française. Ont ainsi été créés différents pronoms personnels sujets, qui peuvent aussi être utilisés en compléments, dont les plus courants sont iel, ielle, ou yel, qui s’accordent en nombre, mais l’on retrouve également ille, ellui, ol, olle, ul, ulle, ael, aël, æl. Il est absolument essentiel de s’assurer que l’on emploie le pronom choisi par la personne avec qui l’on interagit ou dont on parle – se tromper peut arriver, auquel cas, on se corrige, on remercie la personne qui nous le fait remarquer, et on continue, en faisant attention. Il existe également des contractions inclusives telles que cellui, celleux, ceuxes, touste, touxe, toustes. Outre les pronoms, le terme fxmme est parfois utilisé pour désigner toutes les femmes, que leur sexe assigné à la naissance soit féminin ou non. Ce terme est emprunté de l’anglais womxn, né de cette même volonté d’inclure les personnes trans et non binaires. Toutefois, ces deux termes ne font nullement l’unanimité – voire sont vivement critiqués.


Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à consulter les ouvrages :

  • Bernard Cerguiglini. 2018. Le/la ministre est enceinte – ou la grande querelle de la féminisation des noms. Paris : Éditions du Seuil.
  • Éliane Viennot. 2014. Non le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! Petite histoire des résistances de la langue française. Donnemarie-Dontilly : Éditions iXe.
  • Éliane Viennot. 2018. Le langage inclusif : pourquoi, comment. Donnemarie-Dontilly : Éditions iXe.
  • Éliane Viennot, Maria Candea, Yannick Chevalier, Sylvia Duverger et Anne-Marie Houdebine. 2016. L’Académie contre la langue française : le dossier féminisation. Donnemarie-Dontilly : Éditions iXe.
  • Maria Candea et Laélia Veron. 2019. Le français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique. Paris : La Découverte.
  • Suzanne Zaccour et Michaël Lessard (dir.). 2017. Dictionnaire critique du sexisme linguistique. Montréal : Somme Toute.