Histoire du féminisme (2/5) : la première vague

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La première vague du féminisme est indissociable des aspirations libérales de l’époque, puisqu’elle s’enracine dans tous les espoirs portés par les révolutions du siècle précédent. Les objectifs se rejoignent souvent : si les courants suivent le cours de l’histoire nationale dans laquelle ils s’inscrivent, ils s’alimentent les uns et les autres. Ainsi, l’on retrouve, tant en Europe qu’aux États-Unis, la lutte pour le droit de vote et l’accession à une citoyenneté pleine, qui va parfois de paire avec la lutte contre l’esclavage, la remise en cause du mariage et de l’iniquité au sein de la sphère familiale, mais également les dissensions entre des combats principalement portés par des femmes bourgeoises qui ne représentant guère les intérêts des femmes des classes ouvrières.

Une fois le droit de vote acquis, beaucoup de féministes cessèrent de militer. Celles qui choisirent de continuer le firent sur des sujets tels que la contraception et l’accès à certaines sphères, principalement professionnelles, réservées aux hommes. Il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que le mouvement se réorganise de manière tangible.

La théorie

Au tournant du XIXe siècle, Olympe de Gouges et Mary Wollstonecraft ont posé les bases des revendications féministes à venir. En Angleterre, le travail de Wollstonecraft a été poursuivi principalement par Harriet Taylor Mill et John Stuart Mill, incarnant tous deux, pour le moins parfaitement, ce libéralisme politique et économique croissant, qui fait de l’individu l’unité constitutive de la société, dont le rôle ne peut et ne doit dépendre du genre. Ainsi, l’essai phare d’Harriet Taylor Mill, The Enfranchisement of Women, accuse la sphère domestique à laquelle la femme a été assignée, d’être le fondement de l’inégalité entre les sexes puisqu’elle a de fait provoqué la dépendance économique au mari. L’inégalité résulte donc des rapports sociaux et non de la nature, comme beaucoup avaient voulu et voulaient encore le faire croire. C’est pourquoi elle appelle à un meilleur accès à l’éducation, puis à l’intégration des femmes au marché du travail, qui n’est d’ailleurs pour elle nullement incompatible avec une vie de famille.

Cette philosophie constitue le socle sur lequel s’appuie cette première vague, qui va faire de l‘accession au droit de vote son fer de lance : puisqu’il est la clé de la représentation politique, il est nécessaire au changement – la question de sa suffisance créera d’ailleurs des dissensions au sein du mouvement. N’oublions pas que cette revendication date de la fin du XVIIIè siècle et qu’il faudra attendre les années 1920 pour que des lois commencent à être votées. C’est en partie la lassitude provoquée par ce combat de longue haleine qui a motivé une évolution des méthodes employées, devenues, avec le temps, de plus en plus drastiques.

La pratique

Il est d’usage aujourd’hui de considérer la Seneca Falls Woman’s Rights Convention (État de New York, été 1848) comme le point de départ officiel de cette vague – alors même qu’elle a longtemps été absente des manuels d’histoire. En effet, il s’agit du premier événement à grande échelle demandant la fin de toute discrimination basée sur le sexe, à l’initiative de Lucretia Mott et Elizabeth Cady Stanton, rejointes par Martha Wright, Jane Hunt et Mary Ann McClintock. De cette convention, à laquelle trois cent personnes ont participé, est ressorti la Déclaration des sentiments, rédigée sur le modèle de la Déclaration d’indépendance et signée par soixante-huit femmes et trente-deux hommes, soit un tiers des personnes présentes. Ce faible taux de signature est attribué au caractère pour le moins radical des propositions, en témoigne le préambule : « l’histoire de l’humanité est une histoire de fautes et d’usurpations répétées de la part de l’homme à l’endroit de la femme, ayant eu comme objectif immédiat l’établissement d’une tyrannie absolue sur elle » [traduction libre]. S’il s’agit d’un événement majeur ayant inauguré les décennies d’activisme qui allaient suivre, d’autres initiatives lui ont précédé.


Ce sujet de la première vague étant à l’origine de multiples ouvrages et d’une pluralité articles, rédiger un billet exhaustif me paraît absolument impossible. Aussi pouvez-vous retrouver un cycle d’articles présentant une description des figures, initiatives et courants de pensée incontournables des différents mouvements féministes en France, au Royaume-Uni, et aux États-Unis.


Cathia Jenainati et Judy Groves. 2010. Introducing Feminism: A Graphic Guide. London : Icon Books Ltd.

Gerda Lerner. 1998. « The Meaning of Seneca Falls: 1848-1998 ». Dissent-New-York : 35-41.

Janet A. Seiz et Michele A. Pujol. 2000. « Harriet Taylor Mill. » American Economic Review 90 (n°2) : 476-479.

Sylvia Paletschek et Bianka Pietrow-Ennker. 2004. Women’s Emancipation Movements in the Nineteenth Century : a European Perspective. Stanford : Stanford University Press.

Valerie Sanders. 2006. « First wave feminism ». Dans Sarah Gamble (dir.), The Routledge Companion to Feminism and Postfeminism. Taylor & Francis e-Library : 15-24.

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